Le dernier Derby de la capitale n’a pas valu par sa qualité technique et son esprit sportif sur le terrain mais par le spectacle hideux en dehors, avant, pendant et après le match. La violence physique a rivalisé avec la brutalité verbale. Violence, injustifiée et abusive, dont tout le monde s’accorde à accuser, dans une large mesure, les forces de l’ordre, censées justement maintenir l’ordre sans bafouer le droit ou la dignité des spectateurs ni attenter à leur intégrité physique. Les séquences vidéo, qui en témoignent, sont des preuves irréfutables de la cruauté dont ont fait montre les policiers. Ce n’est pas un service d’ordre mais une démonstration de force, au mépris de tout sens d’humanité et de citoyenneté. Le public aux stades serait-il devenu ennemi public ou menace contre la sécurité nationale ?!
Aux dernières nouvelles, un groupe d’avocats compte porter plainte contre le ministre de l’intérieur et certains hauts responsables, présumés impliqués dans la violence à Rades. Slim Riahi, président du Club Africain, a accusé les forces de l’ordre d’en avoir déclenché les hostilités et d’avoir provoqué les supporters clubistes, qui n’ont fait que réagir à la brutalité dont ils ont été victimes. D’ailleurs, le tifo clubiste fuité, bien avant le Derby, par un agent du ministre de l’intérieur (sanctionné suite à une enquête l’ayant identifié comme coupable) a cristallisé la colère des clubistes contre ledit ministère. Déjà le ton et la couleur ont été annoncés avant le match. Peut-être qu’en signe de réaction et de solidarité, les policiers présents à Rades, revanchards, ont voulu venger leur collègue, châtié par sa hiérarchie pour sa faute professionnelle. Pour les graves incidents de Rades, le ministre de l’intérieur est également appelé à diligenter une enquête pour en connaitre les causes et les responsables.
Cerise sur le gâteau, si cerise et gâteau il y a, la déclaration au vitriol de la ministre de la jeunesse et du sport, après les scènes de violence dans les travées du stade de Rades, violence inouïe, disproportionnée et non moins arbitraire du reste, pour laquelle Majdouline Charni brandit, tel un épouvantail, le curieux concept de ” terrorisme sportif”. Devant la réaction autant farouche que légitime des supporters du Club Africain, fustigeant la confusion dont elle a fait montre et l’assimilation du public clubiste à un ramassis de terroristes, la ministre, droit dans ses bottes, refuse de s’en excuser au risible prétexte qu’elle ne pouvait le faire pour l’emploi d’un terme existant dans le dictionnaire, appelant ses contradicteurs à utiliser ce glossaire pour mieux comprendre. Affirmation qui est irrecevable sur le plan tant conceptuel que moral. A en juger :
Il est vrai qu’en Tunisie, on est beaucoup moins dans le débat d’idées que dans le conflit de concepts. On est beaucoup plus à la quête de notions bâtardes et hybrides qu’à la recherche de vues créatives. L’école buissonnière à la place de l’école de pensée. Les cours de récréation en lieu des cours d’école. Majdouline Charni en est l’édifiant exemple. Banaliser le terme terrorisme, en décontextualiser l’emploi et le mettre à toutes les sauces, quitte à verser dans l’amalgame, à brouiller le message et à se couvrir de ridicule ainsi qu’à se donner en mauvais spectacle, apporte justement de l’eau aux moulins des terroristes et donne des grains à moudre aux ennemis du pays.
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